Décret sur le CBD : « Le gouvernement s’obstine. Nous contesterons !

2 Jan 2022 | Blog

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L630 l’annonçait depuis le mois d’avril, et on finissait par espérer l’abandon de ce texte annoncé avant la fin de l’année, mais le gouvernement a finalement publié ce 31 décembre le décret sur les produits dérivés du chanvre contenant du cannabidiol (CBD). 

Le texte publié au Journal officiel prévoit notamment, en son article 2, l’interdiction de la commercialisation des fleurs de CBD, leur détention et leur consommation. Le gouvernement n’entend donc pas seulement réprimer la vente mais aussi l’usage de fleurs de CBD qui seraient désormais interdites. 

Alors qu’une décision du Conseil constitutionnel relative au décret visé est attendue dans une semaine, le 7 janvier, le gouvernement a fait le choix du passage en force, publiant ce texte entre Noël et le Nouvel an. Le 31 décembre, date anniversaire de la fameuse loi passée en catimini, en séance de nuit, le 31 décembre 1970, loi sur laquelle s’est fondée la répression depuis un demi-siècle. Le bilan catastrophique de cette politique imposerait une réforme, pour en finir avec le chaos de la prohibition, mais, à l’inverse, la France durcit sa réglementation, prétendant interdire même les fleurs de CBD non psychotropes, commercialisées normalement chez nos voisins européens, comme en France, depuis déjà quelques années. 

Le décret sort mais ni la Mission interministérielle de lutte contre les drogues (Mildeca), ni le ministère de la Santé ni le ministère de l’Économie, ni même le Premier ministre, n’ont publié de communiqué pour l’expliquer, le préciser et le défendre. 

Or, cet arrêté pose de solides problèmes juridiques. Il contrevient à la liberté de commerce et d’industrie qui est garantie constitutionnellement, et met à mal des milliers d’emplois sans justification sérieuse.

En poursuivant la simple détention de fleurs, cette règlementation met en cause les consommateurs et crée un nouveau flou dans la législation : si ces fleurs de CBD sont autorisées à la production et à la transformation, elles ne peuvent pas être considérées comme un produit stupéfiant à leur état brut. Alors dans quelle catégorie juridique se trouvent-elles désormais ? Quel régime s’applique à la pénalisation de leur usage ? Seront-elles considérées comme un stupéfiant, au même niveau que le cannabis psychotrope ? Doivent-elles être perçues comme un produit de consommation courante dont l’interdiction à la vente est au même niveau, par exemple, que des produits alimentaires périmés ?

Ce nouveau texte contrevient en ce sens à l’objectif d’intelligibilité de la loi autant qu’au principe de légalité des délits et des peines.

À l’heure où l’Allemagne prévoit la légalisation du cannabis, et alors même que l’Europe commercialise de plus en plus largement les produits dérivés du chanvre, la France choisit une nouvelle fois de prendre le contrepied. L’exception prohibitionniste française ne résistera pas à ce mouvement mondial qui se décline nationalement à travers la mobilisation d’acteurs de plus en plus nombreux et de plus en plus forts. 

Pour l’heure, le gouvernement continue de faire prospérer la philosophie de l’interdit, celle-là même qui lui a fait perdre devant des centaines de juridictions, qui ont donné raison aux acteurs de la filière, de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) à la Cour de cassation, et peut-être demain devant le Conseil d’Etat.

Une chose est désormais certaine, il faudra faire face à la colère des nombreux acteurs économiques du CBD qui pourraient bien s’appuyer sur le mécontentement de leurs clients.

Aussi, L630 appelle l’ensemble des syndicats et des professionnels à s’unir pour contester devant la justice ce décret manifestement illégal. Elle se tient à leur disposition pour assurer les conditions de l’union et pour répondre d’une voix forte et claire à un gouvernement qui s’obstine absurdement. 

Michel Sitbon « Avec l’arrêté contre le CBD, le gouvernement vient de donner une nouvelle manne au marché noir »

À l’aube de l’élection présidentielle, le sujet de la régulation des produits à base de CBD, comme celle du cannabis en général, seront des déterminants politiques à prendre en compte. 

Le nouveau décret sur le CBD a été publié hier. Quelle analyse peut-on produire sur la position du gouvernement ? 

Michel Sitbon – En poussant l’hystérie prohibitionniste jusqu’à persécuter ce qui n’est pas un stupéfiant – ainsi qu’en attestent l’OMS et l’ensemble des réglementations internationales –, le gouvernement affiche un positionnement réactionnaire peu raisonnable dans ce qui semble une compétition pour le pire, laissant orpheline une large part de l’électorat.

En menaçant de disparition non seulement des milliers d’emplois mais des commerces qui participent à revitaliser villes et campagnes, on porte un mauvais coup à l’économie, dans une période pourtant si délicate où les commerces ferment plus facilement qu’ils n’ouvrent, et particulièrement à l’emploi des jeunes pour qui ces boutiques offrent un débouché inespéré dans un climat morose.

Quelle conséquence peut-on craindre sur l’état du marché noir ?

Le texte signé par le ministre de la Santé et voulu par le ministre de l’Intérieur est simplement absurde, les fleurs de CBD offrant un parfait substitut non stupéfiant au cannabis visé par la politique antidrogues comme par la loi. 

Elles éloignent les consommateurs du marché noir et produisent une diminution remarquable de la consommation de psychotropes, telle qu’on n’en avait jamais obtenue par la répression déployée intensément depuis tant de décennies qui aura atteint l’objectif inverse, stimulant de fait la consommation qu’elle voudrait réduire.

De plus, l’effet apaisant des fleurs de CBD, souvent consommées en tisanes, les auront rendues populaires auprès de publics extrêmement divers, de tous âges et de toutes catégories sociales, qui se voient ainsi brutalement privés de ce qu’ils apprécient si massivement que cela aura permis l’éclosion de tant de commerces en si peu de temps.

La première conséquence manifeste d’une telle mesure sera le report d’une bonne part de ces consommateurs vers le marché noir, et on peut regretter que le gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que d’offrir, pour la nouvelle année, une nouvelle manne au crime organisé.

Au niveau européen, la France peut-elle imaginer devenir un leader sur le CBD comme le gouvernement le prétend ? 

Au-delà des boutiques et des consommateurs de fleurs de CBD, c’est bien sûr l’ensemble de la filière chanvre qui va être impactée, laissant le bénéfice du nouvel « or vert » aux pays qui adoptent des règlementations plus appropriées, comme l’Italie, la Suisse ou la Tchéquie. 

Notons qu’en plus d’interdire le commerce de fleurs, ce texte pénalise au passage la filière agricole, non seulement privée de débouchés, mais corsetée par une réglementation qui interdit toute nouvelle exploitation agricole, seules celles déjà existantes étant autorisées à fonctionner dans un régime de déclaration extrêmement strict – alors qu’en Italie voisine il y a liberté totale de cultiver comme de commercialiser les mêmes fleurs de CBD ici persécutées.

Quel message L630 peut-il porter au niveau politique ? 

Ce qu’il faut, aujourd’hui, c’est une prise de conscience générale du monde politique sur la question du cannabidiol en particulier mais sur la politique des addictions plus généralement. 

Nous alertons les législateurs et les invitons à exprimer leur désapprobation d’une politique si contraire aux intérêts du pays. Les partis politiques et les candidats à l’élection présidentielle doivent aussi prendre position. 

Surtout, sans attendre, dès la semaine prochaine, le Conseil constitutionnel peut mettre un terme au débat en sanctionnant des mesures discriminatoires dépourvues de fondement. À son tour, la justice administrative sera appelée à se prononcer, afin d’invalider un texte dont l’application serait une catastrophe sociale à plusieurs dimensions qu’il faut empêcher.

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